Mémoires de Raynald Hardy

Mémoires de Raynald Hardy.

Les souvenirs que j’ai sont de mémoire sans photographie mis à part quelques rares exceptions dans mes albums de famille dont j’ai perdu la trace.

Né à Québec en 1945, j’ai habité avec mes parents un petit logement résidentiel situé au 2ième étage d’un édifice à logement sur le coin de la 1ère rue et de la 6ième avenue à Limoilou. Voisin de chez-nous de l’autre côté de la rue un grand terrain vacant ainsi qu’un garage comprenant deux logements à l’étage était la place d’affaires d’une entreprise de construction de génie civil du nom de Bédard Construction qui occupait les terrains et le rez-de-chaussée du garage. On y réparait de la machinerie lourde de construction de génie civile et le deuxième étage de l’édifice dont l’adresse du garage était le 661 était occupé par deux logements résidentiels portant le numéro civique de 663. Il n’y avait qu’un seul numéro civique puisque la porte d’entrée extérieure donnait sur un petit vestibule commun au deux logements.


Un des deux logements était occupé par la famille Kirouac dont le père Donat était mécanicien chez Québec Autobus. Ils ont toujours habité ce logement jusqu’à la vente des actifs à Autobus Fontaine. Lequel a revendu l’immeuble et les terrains à un organisme municipal d’habitation afin d’y construire des logements résidentiels. Il ne reste plus aucune trace visible de ce qu’était les lieux à l’époque.

En 1950 arriva un nouvel occupant qui allait marquer à jamais ma vie. La nouvelle compagnie de transport interurbain par autobus du nom de Autobus Lac-Frontière Ltée  y aménageait son siège social. Quel événement pour un bambin de pouvoir admirer de la fenêtre de la cuisine ces beaux véhicules ainsi que toutes les activités reliées à l’entretien et réparations de ces beaux véhicules. Le garage étant relativement petit et la flotte assez importante qu’on devait effectuer plusieurs activités sur les terrains extérieurs.
À l’été 1950 est arrivé plusieurs autobus ainsi que des ” snow mobile B-7 ” afin d’y faire l’entretien et les réparations.
Dans le garage on retrouvait 3 employés à plein temps, un mécanicien anglophone dont le nom de famille était Smith, Valère Laflamme un jeune homme de Bellechasse venu travailler comme aide mécanicien et Emery Rousseau un journalier.
À la lecture des informations sur le site, il me semble que plusieurs compagnies de transport par autobus étaient impliquées dans ce projet.
Les autobus Beaudet de Dorchester, Lac Frontière de Bellechasse, autobus Paradis de St-Adalbert et Théodule Simard de St-Pamphile. J’ai souvenir de ces activités sans connaître la nature exacte de la situation.
Peu de temps après Clovis Beaudet , entrepreneur en construction beau-frère de Josaphat Gingras faisait construire son immeuble sur le boulevard Charest pour y loger son garage pour les entretiens des autobus Ste-Claire, Ste-Justine, St-Narcisse Ltée. dont la gestion a été confiée à un dénommé Lévis Lamontagne, frère du docteur Lamontagne du comté de Lotbinière très connu dans le comté.

J’ai travaillé 13 années avec un des  fils du docteur Lamontagne.
Quant au autobus St-Adalbert je n’ai pas souvenir d’avoir entendu parler de St-Bruno. Il n’y a toujours eu qu’un seul autobus faisant le trajet soir et matin entre St-Adalbert et Québec en passant par L’Islet.
Quant aux autobus de Théodule Simard, ils ne sont pas venus longtemps et je n’en ai pas entendu parlé. Ils étaient remarquables parce qu’ils étaient de marque Flexible alors que touts les autres étaient des Prévost.
Les propriétaires de autobus Lac Frontière Ltée, Josaphat Gingras et Émile Aubin s’occupaient des  affaires courantes de la compagnie et Josaphat , mécanicien de métier mettait la main à la pâte quotidiennement.
La comptabilité était faite par un dénommé Albert Gauthier fils du propriétaire des Autobus Gauthier de Portneuf.
Quelques temps après, Josaphat Gingras devenait le seul propriétaire et Albert Gauthier ne faisait plus la comptabilité.
Le fils de josaphat, Jean-Paul Gingras s’occupait de le faire le samedi de chaque semaine, et il en fut ainsi jusqu’à la fin des opérations.
Ainsi Autobus Lac Frontière devint ce qu’elle a été pour la plupart du temps.
On avait le Prévost interurbain 1950 probablement celui photographié en face de la résidence de la famille Paradis à St-Adalbert ,
un Bus neuf de marque Western Flyer 1951 ainsi que 3 autres bus plus petits et plus vieux.
La flotte était composée du 51 le Prévost interurbain, le 56 le nouveau bus et 3 autres bus,
le 52 un Prévost de 33 pax avec un bon gros dessous avec freins à air et ayant la porte en arrière des roues avan
et deux vieux Prévost fait à partir de camions Dodge provenant de Roméo Tanguay de Lévis 33 pax avec freins à l’huile et dessous de camion 3 tonnes portant les numéros 55 et 57.

Mes premiers pas dans l’entreprise consistaient à faire des commissions pour les différents travailleurs; chauffeurs, mécanicien, employé d’entretien et bien sur les propriétaires. Une fois les paquets de cigarettes ou cartons de liqueurs rapportés je gardais précieusement les quelques sous qu’on me donnait et je restais aussi longtemps que je pouvais aux alentours en étant tout ouïe et tout yeux. Il arrivait à l’occasion qu’un employé m’embarque pour déplacer un véhicule sur le terrain ou dans la rue de peur de m’écraser sous les roues. Un peu plus tard on m’amenait jusqu’au coin de la 4ième avenue et le chauffeur s’assurait que j’atteigne le trottoir avant de repartir. Je rejoignais en courant la maison en disant à bout de souffle à ma mère : ” maman, maman, je viens de faire un tour en autobus avec Ti-Louis  ” En vieillissant les tours se sont rallongés et pas  seulement avec le chauffeur Louis Lapointe mais avec la plupart. Le trajet de la gare St-Roch au garage n’avait plus de secrets pour moi dans les deux sens. Il a même servi plus tard à faire mes premières expériences de conduite.

En vieillissant j’ai commencé à laver les autobus à l’extérieur et à l’intérieur pour la modique somme de  0.25 $  chacun. Ainsi les samedis je pouvais me faire quelques dollars d’argent de poche en lavant les autobus et les automobiles des patrons ainsi que celle du fils du patron. Il était beaucoup moins dangereux de m’écraser sous les roues car mon gabarit avait changé de façon à être facilement visible dans les rétroviseurs. Le soir en finissant l’école je rentrais à la maison pour déposer mon sac d’école, me changer et repartir pour le garage.

Les commissions pour les cigarettes et la liqueur avaient été remplacées par des petites tâches manuelles pour aider le mécano. J’ai ainsi appris rapidement les fractions en rapport avec la grandeur des clés mécaniques. J’avais l’impression d’être important vêtu d’une combinaison de mécanicien et les mains sales en découvrant quelques secrets de la mécanique automobile de gros gabarit. Le premier jour légal pour l’obtention de mon permis de conduire, j’étais le premier client au bureau de la rue Caron en face de la gare centrale pour passer l’examen qui dans mon cas n’était qu’une simple formalité.  Ça faisait des années que je pratiquais avec des autobus sur le terrain et dans les rues avoisinantes. Il était très pratique de servir de véhicule de remorquage pour traîner un autre autobus sur la route afin de le faire démarrer par temps froid avec le mécano ou encore simplement d’aller chercher un autobus et de le rentrer dans le garage pour la nuit par temps froid. De plus je servais de messager pour aller faire les commissions de pièces mécaniques avec l’auto du patron monsieur Josaphat Gingras. Ce dernier m’appelait amicalement; ”Ti-Gars ” et j’avais beaucoup de respect envers lui. Disons que le courant passait bien entre nous.

Arriva un temps où la conduite légale des autobus m’était permise. J’ai donc donné suite à ce qui était une suite normale des événements en conduisant occasionnellement les autobus pour des voyages spéciaux ou pour ” doubler ” des départs réguliers pendant quelques années. Il m’arrivait aussi de faire des voyages pour les travailleurs du camp Valcartier, ce que l’on appelait à l’époque les CARDE. Considérant la profession de chauffeur d’autobus moins attrayante, à cause des longues heures irrégulières de travail ainsi que l’éloignement, je me suis dirigé au Gouvernement du Canada pour y gagner ma vie pendant 37 ans. Durant toutes ces années j’ai toujours gardé un intérêt pour le monde des transports de passagers, et mon intérêt très marqué était ressenti par mon entourage. Je parlais de mes expériences au passé et j’avais mis une croix sur le domaine de l’autobus sans savoir ce qui m’attendait.

En 2001 j’ai pris une retraite de la Fonction Publique Fédérale et après quelques années, en lisant mes journeaux quotidiens une petite annonce dans un quotidien faisant la demande de chauffeur d’autocar de luxe à temps partiel, attira mon attention et je me suis mis à rêver à nouveau à la possibilité de faire un retour actif dans le domaine. Je me suis mis à l’oeuvre pour récupérer ma classe de permis de conduite requise. Je l’avais laissée tomber lors de la mise en place des nouvelles normes en me disant que j’en aurais plus besoins. Je me suis présenté chez différents transporteurs afin d’offrir mes services

C’était là le début d’une nouvelle aventure dans le domaine de l’autobus. La rencontre de monsieur Serge Gonthier  directeur chez Autocar Excellence à l’époque m’a permis de le convaincre de mon intérêt et potentiel malgré mon statut de retraité. Ayant décidé de me donner la chance de prouver mes dires, il décida de me faire confiance. Ainsi j’ai été engagé et j’ai conduit des autocars à temps partiel chez Autocar Excellence de Lévis pendant 8 années. Tel ne fut pas ma grande surprise d’apprendre que l’entreprise Autocar Excellence fait partie de Transport Fontaine laquelle compagnie a acquis les permis et actifs de Autobus Lac-Frontière Ltée. Ainsi j’ai eu la chance et le plaisir de conduire ces merveilleuses machines que sont les Prévost de série H-3. pour une entreprise familiale qui me rappelait à certains égards ma jeunesse. J’y ai vécu de belles expériences qui sont venues mettre à jour certaines de mes connaissances et j’ai eu l’occasion de rencontrer de véritables professionnels de carrière qui m’ont appris une autre facette du métier. Avec les années j’ai réalisé que les années ont passées rapidement et qu’il était temps pour moi d’accrocher mon volant d’autocar. Sans vraiment le savoir j’ai eu la chance de revenir à ma passion de jeunesse et en quelque sorte de  boucler la boucle de ce que j’ai toujours qualifié de ma folie des autobus.  Ma mère a toujours dit : ” qu’heureusement que les autobus ne se mangeaient pas car j’en aurait mangé.” et je peux vous confirmer qu’elle avait entièrement raison.

Aujourd’hui la passion m’habite toujours et j’y donne suite d’une façon différente. Je m’occupe à faire différentes recherches sur les autobus bien sur en cherchant l’historique des différentes compagnies de transport d’autobus et de construction d’autobus. Mes recherches m’amènent au Canada et surtout aux USA et me permettent de voir la réalité des choses sous un angle différent.

Nul besoins de vous dire à quel point le domaine du transport des personnes surtout par autobus m’a toujours intéressé et il me fait toujours plaisir de partager  mes souvenirs.

 

Raynald Hardy